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L'éveil des émotions_Melioris Le Logis des Francs

mercredi 08 avril 2015
L'éveil des émotions
L'éveil des émotions

Le Logis des Francs, à Cherveux, accueille dix patients en “ état végétatif chronique ”. Ici, le moindre clignement de paupière est un instant précieux.

La fabrique des émotions

Anne-Marie plonge la main dans la paume inerte de son fils allongé près d'elle… Jean-Marc, 48 ans, est atteint de la pire forme de sclérose en plaques. « La plus méchante, soupire son père, Jean-Paul. Celle-là, on ne la soigne toujours pas. » Jean-Marc est condamné à l'immobilité, prisonnier d'un corps qui ne lui répondra plus, plongé dans un état de conscience dont il est quasiment impossible d'imaginer le degré. La maladie l'a happé il y a vingt ans. Il avait 28 ans et la vie devant lui. « Sa santé s'est dégradée, doucement. Aujourd'hui, y a plus rien qui bouge. » Jean-Paul réprime une grimace de chagrin. « Plus rien à part les paupières. »

" Ses yeux ne savent pas dire non, alors j'oriente mes questions pour qu'il me réponde oui "

Habitants en Charente-Maritime, Anne-Marie et lui font deux fois par semaine et le dimanche le trajet jusqu'à Melioris Le Logis des Francs, à Cherveux, où leur fils vit depuis novembre 2010, admis dans le service des patients en « état végétatif chronique ». Cette formulation, quel réalisme terrifiant…
« Il est vivant… mais, au fond, il ne vit pas, résume Jean-Paul. Pourtant, mentalement, il a toute sa tête Il comprend tout, j'en suis sûr ! On le voit à ses réactions : quand on arrive, on sent qu'il se détend, qu'il se relaxe… »
« La crispation des mains et des bras est une constante chez ces patients », confirme Julien, infirmier, qui sait que cette tension est l'effet de la dégénérescence du système nerveux. « Au contraire, quand on les masse, ou pendant la toilette, ou quand on leur met de la musique, on sent qu'ils se décrispent, leurs doigts se détendent, leurs bras s'ouvrent… », témoignent Séverine et Mélodie, aides-soignantes.

Stimulations

Dédiées à ce service, elles ont appris à détecter les signes infimes susceptibles d'exprimer le ressenti de leurs patients. Un regard inquiet, des gouttes de sueur ou une main qui se desserre sont des indications auxquelles elles ont appris à être attentives et qu'elles savent souvent traduire. « Même si c'est différent d'un patient à l'autre. »
« Cela dit, nos patients ne réagissent jamais autant qu'avec leurs proches », souligne Carine Lumineau, la directrice de l'établissement qui insiste sur l'importance du lien familial.
« Moi, je pose beaucoup de questions à Jean-Marc », témoigne Jean-Paul qui sait chercher l'assentiment dans le regard de son fils. « Mais ses yeux ne savent pas dire non, alors j'oriente mes questions pour qu'il puisse me dire oui… »
« Jean-Marc n'a jamais accepté sa maladie. Nous non plus, bien sûr. On la subit. Je ne vais pas dire qu'on s'y habitue, on ne peut pas s'habituer à ça. Mais on vit avec Qu'est-ce que vous voulez ? On n'a pas le choix, c'est notre calvaire Et on fait tout ce qu'on peut pour Jean-Marc. » Jean-Paul pense qu'«ici, mon fils est bien », affirme qu'«il n'y a pas assez d'endroits comme ça en France ».
Et maintenant ? Les parents de Jean-Marc et son médecin ont décidé qu'il n'y aurait pas d'acharnement thérapeutique. Jean-Paul veut juste que son fils aille « jusqu'au bout… (il pince les lèvres)… dans la paix ».

Article Nouvelle république - Emmanuel TOURON